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Ambition Passionneur
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21 novembre 2008

Robert et Claudio sont Rouges

Cette année-là, Claude François vient de mourir et Jacques Brel s'ennuie de Jojo. Il le rejoindra dans quelques mois au paradis des âmes sensibles.

Robert et Claudio dénigrent facilement les sirupeuses mélodies du premier et se reconnaissent sans conteste dans la lucide poésie du second.
Ils sont largement minoritaires sur leur lieu de travail. Ce clivage sans grand intérêt va en révéler d'autres plus étonnants.

Ces deux-là sont, communiste pour l'un et sympathisant pour l'autre. C'est vous dire qu'ils ont des idéaux. Mais, ils sont aussi les commerciaux de cette petite agence bancaire d'une banlieue huppée.
Par souci de cohérence, ils ont décidé de proposer, à l'ensemble du personnel, un pacte fraternel.
Nos vingtenaires sont les seuls à recevoir des primes basées sur le placement des produits bancaires à la clientèle. Aucun des deux n'a le moindre doute sur l'éthique et la morale avec lesquelles, ils font leur travail. La prime est Résultat et jamais But.
Ces commissions restent très modestes. Quelques centaines de francs représentant au maximum 10 à 15% de leur salaire fixe.

Partant de l'idée que plus ils produisent plus leurs collègues devront travailler, il leur semble équitable de partager les primes. Une mutualisation des bénéfices d'un travail fourni par chacun. (Pour ne pas compliquer, ils paieront eux-mêmes la part fiscale. Peu importe)
L'idée est innovante et tranche avec les habituelles compétitions sauvages entre employés, pourtant aussi prolétaires les uns que les autres.
Avantage supplémentaire : Cela ferait taire les récurrentes jalousies et apporterait harmonie et camaraderie au sein de l'équipe.

Un repas est organisé et Robert expose la chose avec une certaine fierté.
Tollé général. Il faut vous dire messieurs que chez ces gens-là, on a peur. Tout le monde refuse. Personne n'en veut. Trop risqué. Trop impliquant. Trop de compromission avec le Grand Capital. Trop généreux pour être honnête.

Déception des idéalistes. Ils remballent. Dommage, ça les aurait bien motivés dans leur travail cette histoire. N'en parlons plus. Plus tard, ils achèteront gâteaux et friandises pour l'agence sans dire d'où vient l'argent.

Mais l'histoire ne s'arrête pas là.
Robert et Claudio sont convoqués chez le directeur.
Cette proposition équitable et fraternelle est considérée comme de la rébellion au système. Il faut que cela cesse.
Cela cessa.

Nos Breliens quittèrent la banque un jour, délestés de quelques illusions, bien sûr.
Ils se persuadèrent, s'il en était besoin, que les fans de Cloclo manquaient d'ambition et que l'un d'entre eux, au moins, était un délateur.
Ils découvrirent que les petites gens n'entendaient rien en Solidarité et encore moins en Révolution.
Ils comprirent qu'il ne fallait jamais ôter l'objet de leur plainte aux médiocres ; par instinct, ils s'accrochent à leur raison de vivre.

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Commentaires
P
... cela me fait penser à celui qui lance l'idée de la pétition et qui refuse de la signer lorsqu'elle est rédigée et qu'on la lui présente...<br /> La couardise amène les friandises (et les pâtisseries).<br /> La solidarité amène peut-être, elle, à la solitude.<br /> Dommage...<br /> <br /> Excellents textes que ces deux-là, merci !
M
Une expérience comme celle-ci doit décevoir quant au genre humain !
C
Merci pour les chaudoudous. <br /> L'histoire de Gilbert d'hier était optimiste. Puisqu'un jour on allait enfin partager, enfin être cohérent, enfin aimer son prochain.
B
A part le terme "médiocre" qui porte un jugement fort, sans complaisance mais surtout un jugement sans appel qui ne laisse pas la possibilité à l'autre de ne plus être "médiocre", à part cela donc, c'est un très joli billet. <br /> <br /> Il faut peut-être du temps aux uns et aux autres pour s'expliquer et se comprendre. Ne nous apprends-t-on pas dès notre plus jeune âge à nous méfier des autres et de leur générosité,... On nous apprends que derrière chaque don, il y a un piège. A lire "Les contes chauds et doux des chaudoudous" de Claude Steiner http://humanismepur.free.fr/contes_poemes/chaudoudous.php<br /> <br /> C'est depuis que tu as perdu tes illusions et que tu as écris l'histoire du coma de Gilbert ? ;o)))
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