"La Galaxie des Ecrivains"
Déjà paru chez Claudiogène le 19 février 2008
"La Galaxie des Ecrivains", c’était le nom de l’association littéraire que nous avions créée.
Nous avions publié des poèmes de jeunesse à compte d’auteur, et y
avions, comme tout le monde, laissé des plumes et des découverts.
Mon ami avait eu
l’idée de publications communes à plusieurs auteurs. Au lieu d’investir
et d’enrichir tous seuls la maison d’édition, qui nous trouvait
géniaux, plus précisément qui trouvait géniaux les milliers de Francs
qu’on lui versait, nous allions demander une petite participation pour
un ou deux textes publiés dans un recueil commun.
L’idée était parfaite. Le plaisir d’être publié, d’avoir son nom sur un livre, restait grand et l’investissement modeste.
Seulement voilà.
Dans ce domaine aussi, notre approche se devait d’être commerciale et
relationnelle. J’étais, il y a trente ans, encore plus incompétent
qu’aujourd’hui dans ces deux domaines, alors, cette tâche incombait à
mon ami, à qui elle ne déplaisait pas. Il nous avait dégoté un
mini-article dans "Les Nouvelles de Versailles" et obtenu une entrée à la Mairie sans subventions à la sortie.
Je me chargeais du secrétariat, des entretiens avec les auteurs et
des déplacements chez l’éditeur. J’en acquis une rapidité phénoménale
sur le clavier de la machine à écrire d’antan. Le flic de banlieue
pouvait s’aligner, mon index irait toujours plus vite que les deux
siens. (Après avoir été "champion du monde" de la machine à calculer, je m'entrainais, alors, pour le championnat des lettres)
Nous avions fait imprimer de prétentieuses cartes de visite où nous nous étions promus Agents Littéraires.
Nous rencontrâmes les mêmes difficultés que la maison d’édition, à
savoir qu’il nous fallut accepter des textes médiocres financés et
refouler des auteurs refusant d’investir ; car souvent, il suffisait de
faire un compliment sur un texte pour que la tête enfle et que chacun
se croit, d’un coup, la réincarnation d’Arthur Rimbaud.
Un seul livre parut et là encore nos comptes personnels en
souffrirent. La grande opération commerciale avec une table de camping
sur l’esplanade de Beaubourg et moi qui jouait le chaland pour en
attirer d’autres, se solda par une recette de 15 Francs.
Plus tard,
lorsque l’éditeur me demanda de venir récupérer le stock de livres sous
peine de destruction, je sentis que c’était la fin de l’aventure. La
voiture pleine, je traversai Paris avec l’impression de transporter un
cadavre.
Trente ans que ces cartons de bouquins suivent nos déménagements de cave en cave, sans que nous ayons le cœur à les jeter.
Trente ans, qu’occasionnellement, on ose en offrir un à quelqu’un
lorsqu’on est bien sûr, mais vraiment bien sûr, qu’il sera très
indulgent, mais vraiment très indulgent.