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Ambition Passionneur
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3 février 2009

Des signes qui ne trompent pas

Lucile aurait dû s'en douter.
Trois ans de mariage sans comprendre, sans savoir. A fuir la vérité, peut-être.
Il y avait bien eu des alertes, des incompréhensions, des doutes. Mais l'oreiller les étouffait comme seuls savent le faire les oreillers.

Emmanuel avait bonne réputation. Sa générosité apparente, en bandoulière jour et nuit, tellement visible, grotesque, aujourd'hui sautait aux yeux de son épouse. Elle ne l'avait pas analysée. Elle y avait cru. Aveugle comme le deviennent les amoureuses débutantes.

Généreux comme une assistante sociale, l'époux faisait le malin devant les esprits simples. Grand cœur d'égoïste, il montrait. Il distribuait, faussement modeste, ce qui lui coûtait peu mais lui rapportait aura et reconnaissance. Colonne des crédits à remplir tant le déficit affectif du passé était abyssal.

Toujours à prendre les autres du dessus, afin qu'ils lui soient redevables. Altruiste intéressé, gourou amateur et maladroit, il paternait grassement. Méprisant ses victimes consentantes, il ne leur octroyait pas le droit de réfléchir par elles-mêmes. Trop stupides, pensait-il. Trop utiles, oubliait-il de penser.
Distributeur de denrées plutôt que d'outils, il façonnait son monde, caressait dans le sens du poil, complimentait sans vergogne.
Le délit de "Gros dégueulasse" n'existant pas, il était vierge de toute accusation. Passé maître dans l'art de la manipulation, il savait choisir ses groupies qui, le cas échéant, se transformeraient illico en témoins à décharge.

Bref, Lucile ne se réveilla que trois ans plus tard.
Grâce à un détail.
D'importance. Comme souvent sont les détails.

Jusque là, le couple n'avait utilisé que du dentifrice qui tient debout. Celui qui nécessite une simple poussée de l'index pour garnir la brosse à dent.
Ce soir, on inaugurait du dentifrice au conditionnement classique. Avec bouchon et pression obligatoire sur le tube.
Révélation. Lucile recouvra la vue.

"Il est donc de ceux-là" se dit-elle. Et l'angoisse fit monter le frisson, du tapis de la salle de bain aux cheveux dressés sur la tête. "Il est donc de ceux-là". Pour faire sortir la pâte, Emmanuel n'appuyait pas sur le fond du tube, mais en haut, tout près de l'orifice.

Il est des signes qui ne trompent pas.

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Commentaires
D
Que du bonheur de vous lire.<br /> Bravo à toutes et à tous :-)
C
La journée se termine. Ouf ! ça commençait à déborder.
V
Ce sont quand même surtout les femmes qui se sont jetées à corps perdu sur le thème de discussion introduit par Claudio. Et ce n’est pas fini, nous savons que Berrybelle continue à réfléchir.<br /> <br /> Pour prolonger la remarque de Gazelle, nous savons aussi que les commentatrices ont encore des dents et qu’elles s’interrogent sur la façon de presser le tube de leur mari.<br /> <br /> Ce que Berrybelle ne nous a pas encore dit, c’est que dans la psychanalyse, les dents ont un rapport avec la sexualité. En avoir, ou s’en servir, serait un signe de virilité. Ou de vitalité, nos compagnes sachant aussi avoir la dent dure ou une dent contre quelqu’un.<br /> <br /> Je ne connais pas d’expression en français qui trahisse ce rapport avec la sexualité. Mais en allemand, « sich ein zahn abreissen » (s’arracher une dent, l’orthographe de mon allemand est sans doute approximative), signifie « se taper une branlette ».
G
Et tout ça pour un banal tube de dentifrice !<br /> Bien envoyé, Claudio : touché en plein !!!!!!!!!<br /> <br /> Enfin, une chose rassurante tout de même : tous ceux qui passent ici se lavent les quenottes... si j'en juge leur expérience !
I
hihi ! j'ai passé un bon moment en lisant les commentaires !
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