Salle d'attente
Je suis dans la salle d'attente du médecin. Elle est bondée.
J'emmène toujours un bouquin avec moi. Je suis donc en train de lire le livre que m'a offert Tiphaine :
"Mort aux cons" de Carl Aderhold.
Il s'agit d'un type qui, tout tranquillement, a décidé de faire le ménage. Il s'est fait la main sur des animaux et au premier quart de l'histoire il prend son envol. Et ça lui réussit bien. Parlant des cons, donc, il écrit en quatrième de couverture "Je veux qu'ils sachent que le temps de l'impunité est révolu"
Pour tout dire, ces 80 premières pages, ne m'ont pas trop accroché. Je trouve que trop de mots sont alignés pour finalement dire peu. Mais, c'est plaisant et je continue. Pour une salle d'attente, c'est parfait.
Mais, en quelques minutes, grâce à l'environnement, le récit devient passionnant, limpide, révélateur.
Depuis qu'un patient un peu trop loquace a réussi à créer du lien communicatif primaire, tout le monde s'y est mis. Et je recommence mes paragraphes dix fois.
J'aurais dû écrire plutôt que lire :
Tout y passe. La météo bien sûr, la qualité des médecins du cabinet, la guerre d'Algérie, le travail à 13 ans... Deux d'entre eux parlent en niçois et que petits on les engueulait lorsqu'ils le faisaient, aujourd'hui ça aide à avoir le Bac le Nissart, disent-ils. Et ça tourne en rond et ça rompt les silences et ça intègre le nouvel arrivant et ça finit par des segments de phrases sans lien, chacun posant la sienne sur les magazines encombrant la table basse : "J'ai habité là en face pendant 26 ans" "Maintenant, c'est les handicapés qui font le travail des feignants" "Au poste, y z'ont dit qu'y fallait fermer la porte quand y'a la clim" "Moi je suis avec la remplaçante" "Les jeunes, ils travaillent plus, ils trafiquent" "Vous croyez qu'on va se contaminer ?" "Moi je m'en fous de mon médecin, il me soigne et basta, ciao" "Le vôtre, il s'appelle Berlusconi ? /Non, Berna.../ Ah bon je croyais Berlusconi/Non" "Moi j'ai eu mon Bac... mon Bac à douche"...
Et là, l'idée me vient. Évidente. Fichtre, c'est vrai que ça donne envie ce bouquin. Envie de dézinguer les cons.
Qu'une idée pareille me vienne m'effraie. Et pourtant... ça rend optimiste. Il est donc possible de faire quelque chose, d'œuvrer pour le meilleur.
Désormais, je vais finir le bouquin avec curiosité et désir d'apprendre.
Ce n'est plus un récit, c'est un manuel.
"... passé les premiers meurtres d'humeur qui le débarrassent de son entourage, le héros prend peu à peu conscience de l'ampleur de sa mission" insiste et incite la 4ème.
Au milieu de cette médiocrité, une petite fille a su relever le niveau : "Maman quand on ira à la mer, on pourra se nager ?" (sic)