Belle jeunesse !
Ils ont tout vu, tout entendu.
Anciens combattants d'une manif d'étudiants, ils savent ce qu'est se coltiner à la vie quand on manque d'option "sms illimités"
L'aphorisme, pioché sur Google, leur sert d'étendard, au moins jusqu'à la nuit prochaine. Le Nutella est une madeleine de Proust qui a l'avantage de ne pas avoir à se taper ses bouquins.
Attention, ils ne sont pas dupes, ce sont des rebelles de la société de consommation ; d'ailleurs, ils achètent des jeans déchirés. Déchirés en usine, bien sûr.
Les plus vindicatifs se plantent des pin's un peu partout. "C'est esthétique, Monsieur, vous n'avez rien compris !" Bon sang, mais c'est bien sûr, c'est esthétique, un peu comme le rayon visserie de chez Casto, c'est de l'art. OK d'accord, des clous dans les sourcils, sur la langue ou le clito, c'est de l'art. On me souffle que ce ne sont pas des pin's, on appelle ça des piercings. Si on osait dire que c'est une mauvaise réponse à une pathologie certaine, on serait un vieux con, n'est-ce-pas ? Hé oui, bien sûr.
Mais l'art est partout. Et la peau est toile. Les artistes tiennent boutiques et proposent un catalogue. En Avant, l'épiderme est accueillant aux scarifications soft.
"Ce sont des réponses à une société violente et difficile, vous devriez comprendre au lieu de nous jouer le réac de service"
Violente et difficile ? A cause des SMS limités ? A chacun son Germinal.
"Les enfants de bourgeois jouent à la vie dure" disait la chanson et elle avait raison. Les temps changent sans changer.
Les révoltés aux arrières assurés font d'excellents bourgeois complices de l'ordre établi.
Descendant de nos modestes barricades , c'est le cœur plein d'espoir que nous passions le témoin à la jeunesse suivante. Certains que cette fois-ci c'était la bonne, que riches de nous, ils allaient exercer leur fougue à nous changer ce monde. Qu'enfin le grand soir ! Qu'enfin les lendemains qui dansent ! Qu'enfin la Fraternité !
Pensez-vous.
Aussi cons que leurs parents, ils se repassent Babar sur Youtube, confondent Aznavour et Camus, et se croient humanistes parce qu'ils aiment des chanteurs noirs ; aveugles et noirs, c'est encore mieux.
Une fois qu'ils ont récupéré leurs tickets restaurant et vérifié leur réservation vacances, ils s'inventent une rebellitude en priant Sainte Ségolène ou en croyant que les Verts sont plus blancs que les autres.
Ils n'oublient pas de nous rappeler que Noël ce n'est plus Noël, Noël c'est "la magie de Noël", il y a une nuance que les vieux ne perçoivent pas.
Les bons sentiments ayant remplacé les révolutions, ils suivent le Sidaction sur écran plat mais n'y verront jamais Victor Jara.
Et s'il fallait un dernier exemple pour prouver le caractère révolutionnaire de notre belle jeunesse, il est tout trouvé : Chaque 14 février, ils s'en vont, sourire aux lèvres, engraisser le fleuriste, ou le sex-shop, en se croyant romantiques.
Révolutionnaires... et romantiques ! Ca coupe la respiration, rien que de l'écrire.
Les temps changent et ne changent pas : Une minorité, en coulisses, sans cinéma, fait sa part. Loin des honneurs et des podiums, sans déguisement. Force tranquille, en congruence interne, elle est responsable et vraiment belle.
Paroles de la chanson : Les enfants de Bourgeois.(Guy Béart)
Audio. Lettre à Kissinger (Julos Beaucarne) relatant la mort de Victor Jara.
Victor Jara : Bio