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Ambition Passionneur
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15 mars 2010

Culture du pauvre

Au début des années 70, dans les familles sans livres et sans argent, on allait à l'école, occasionnellement à l'église et on faisait du sport. Point.
Quand la soif de culture vous titillait, personne ne vous prenait par la main pour aller à la bibliothèque, à la librairie, au cinéma.
Alors, il restait la chanson. Art mineur, dit-on. Peut-être, mais pied à l'étrier, antichambre et apprentissage en tous cas. A condition d'être exigeant, bien sûr.

Pendant, que mes camarades s'échangeaient des musiques à la mode, aux noms exotiques, auxquelles je ne comprenais rien, Genesis, Supertramp ou Led Zeppelin, j'allais préparé mon champ, délimité le terrain.

Ils sont quatre. Quatre chanteurs.
Ils m'emmèneront à la littérature, à l'écriture, à la culture.
Ils m'ouvriront les portes de la politique, de la société, de la révolte.
Ils m'accompagneront, fidèles compagnons.
Ils remplaceront des parents qui avaient d'autres choses à transmettre, d'autres couches à laver et des fins de mois à boucler.
Ils réveilleront cette terre inculte qui accueillera d'autres moissons.
Jamais idoles. Jamais maîtres exclusifs. Jamais gourous. Jamais demi-dieux.
Références, pères et repères. C'était déjà très bien.

Brel, Brassens, Ferrat, Ferré, dans cet ordre-là, c'était ma culture de pauvre. Mon terreau.
J'ai la tristesse joyeuse et douloureuse à la fois.
Parce que tant qu'il en restait un j'avais le sentiment qu'ils y étaient tous.
Aujourd'hui, mon champ carré s'est évanoui d'un coup. Ils sont tous partis hier.
Ils auront su attendre. Attendre que je sois.

Les écouter n'aura jamais été un loisir, un plaisir, toujours une communion, un apprentissage, une élévation, une recherche. Je ne suis pas de ceux qui se divertissent, qui se détendent, qui évacuent ; ils ont su répondre à ma soif d'apprentissage, de construction, à ma recherche permanente.
D'autres sont venus par d'autres chemins, d'autres supports, semer et arroser mon lopin de terre, mais les poteaux-camarades à chaque coin du carré s'appellent Jacques, Georges, Jean et Léo.

Tous les autres artistes de la chanson, pourtant excellents, jouaient en deuxième division et continuent. Les Beaucarne, Escudero, Barbara, Vigneault, Moustaki, Lavilliers, Leclerc, Caussimon, Nougaro, Mouloudji, Reggiani, Piaf...
Je ne parlerai même pas de la troisième division.

Voilà. Quatre croix désormais délimitent un lopin de terre qui n'a plus lieu d'être. Il a tout donné.
Pauvre devenu riche, je suis un peu d'eux. Et parfois, je me suis rendu compte que j'étais quasiment un spécialiste de ces quatre-là. 
A bien réfléchir, le cocktail me fait penser à une révolte sage. Cela ne me déplait pas.

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Commentaires
T
Culture du pauvre ?<br /> Culture.<br /> Très bel hommage, Claudio.
M
J'ai chanté à m'en casser la voix, les chansons de Barbara, pour égayer la vaisselle et le repassage de mon adolescence...<br /> Avec mes frères et soeurs, désoeuvrés, sans livre ni musée, nous nous prenions à rêver que nous étions les jackson's five : nous étions 5! Et nous dansions, et nous chantions à tue-tête!<br /> D'autres auraient jouer au club des 5, mais sans livre... mis à part le larousse élémentaire illustré que nous avons dévoré page après page...<br /> C'est chouette l'enfance!
C
Merci Christian.
C
Tu as certainement déjà regardé:<br /> http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_Loucheur<br /> <br /> Ma grand mère Bretonne savait lire et écrire, alors que le grand père était illettré. Elle, ici on dirait la lavandière, avait eu l'audace de faire la demande, et leur maison avaient construit.
C
Pour Christian : http://www.youtube.com/watch?v=QNLcM8QD8Ec<br /> <br /> C'était quoi cette loi "Loucheur" ? On louchait sur le terrain du voisin ?
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