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La passion selon Vittorio
Comme tout passionné qui se respecte, Vittorio était un solaire. Un panneau solaire, devrait-on dire.
Le moindre rayon de soleil lui rechargeait les batteries. Il repartait à l'assaut de la vie avec l'énergie d'un idéaliste, la foi d'un converti, l'aveuglement d'un amoureux.
L'expérience lui avait même apporté mieux. Chercheur infatigable, Vittorio avait inventé le soleil sans soleil, l'énergie renouvelable en auto-production, la dynamo intégrée, le réservoir plein à disposition permanente, la lumière intérieure en libre-service automatique, le goutte-à-gouttes d'or, carburant divin et éternel.
Mais à quoi servent une découverte non-partageable, un progrès individualiste, des lendemains qui ne chantent que dans sa salle de bain, un plaisir égotiste, une avancée confisquée ?
A rien.
C'est comme une religion sans fidèles, un linceul suspect, une croix qu'on ne croit pas, un amour à sens unique.
C'était le problème de Vittorio. Son mode de fonctionnement ne valait que par la foi qu'on pouvait lui accorder. Piètre VRP, il échouait dans toutes ses entreprises généreuses.
Car vendre du soleil, c'est vendre du vent. Et le chaland n'a foi qu'en son toucher. Il veut des preuves concrètes et palpables. L'homme moderne est informé et ne se laisse plus berner. Il n'investit plus que dans le solide, le prouvé. L'obligation a rangé l'action au placard, le risque est une croyance moribonde.
Vittorio n'est pas homme à baisser les bras. C'est dans sa constitution. Il ne peut y déroger. Alors il prêche par petites touches sans en attendre rien.
Dans son enthousiasme, il avait, par le passé, ouvert des succursales, édité des livrets, formé des missionnaires. Il était encore dans la stratégie. Business plans et objectifs n'ont rien fait d'autre que brouiller l'image. L'euphorie passée, il décida le mouvement statique, l'ébullition interne ; un jour ou l'autre des esprits sagaces décèleraient le cœur de la machine, curieux d'en savoir plus. On n'aurait plus qu'à produire pour répondre à la demande.
Aujourd'hui, Vittorio a compris. Rien ne sert à rien. On ne crie pas aux oreilles des sourds, pas plus qu'on ne fait le mime devant des aveugles.
Au diable l'illumination suspecte ! Fini la stratégie séductrice et stérile ! Exit l'immobilisme opaque !
Planquez-vous, cachez-vous, fuyez ! Vittorio a choisi l'animalité.
Puisqu'ils ne croient que ce qu'ils touchent, je vais leur en mettre moi, du toucher, du palpable, de la kinésie en veux-tu en voilà, de la thalasso à la taloche, du panpan culcul quatre étoiles, du septième ciel sans passer par les rideaux, de la pâte à pain maison, de la michette à l'huile essentielle, du gommage et du modelage, du plus sage au plus sauvage.
La prochaine étape, c'est le physique. L'action primaire, c'est le chant du cygne de Vittorio. Il a des choses à transmettre, du soleil à injecter, des couleurs à étaler, des claviers à rudoyer, des beautés à culbuter, des traces à imprimer.
Vittorio a de la joie à distribuer, de la graine à déposer, de l'orange à presser...
...de l'explosif à exploser.
Il y est prêt. Il le fera. C'est le prix à payer.
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