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Ambition Passionneur
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9 juin 2010

Particules particulières

L’hôtel de la Gare à Grenoble ? Chambre 22. L’Eden à Saint-Aubin-sur-mer ? Chambre 2. Et l’Alp hôtel dans les Pyrénées, chambre 222. Il alla même jusqu’à 2022 dans une capitale oubliée du bout du monde.
Il en mit du temps à comprendre. Depuis toujours les chambres « 2 » le poursuivaient. Pour quel signe ? Pour quel bien ?
Des chambres à particule, noblesse digne de son raffinement ? L’explication lui convenait. Il la valida en attendant mieux.

Aussi, quand Mathilde lui donna rendez-vous sur la plage du Casino un 2 juillet à 14 heures, la messe était dite. Ce serait jour de chance. Et raffinement assuré.
Thibaud ne connaissait pas Dunkerque mais savait bien qu’il serait facile de trouver une chambre 2 dans un hôtel de la Plage, du Casino ou de la Mer du Nord.
C’est ce qu’il fit.
C’est au moment où il raccrocha le téléphone qu’il eut le sentiment d’avoir franchi le pas. L’adultère était moralement consommé. C’était trop tard. Il fallait maintenant assumer, exécuter, faire le travail. Culpabilité à porter ou à évacuer, c’était le prix de la chambre réservée.
Un rendez-vous et un coup de fil auront suffi à faire basculer un monde. Peut-être plusieurs. Mais dans quel sens ?
La vie de Thibaud Barella était de celles qu’on dit bien rangées. Un bonheur à faire peur. Quinze années de fidèles et loyales amours, une femme magnifique et trois enfants lumineux, un monospace surmonté tantôt de vélos, tantôt de skis, jardin, barbecue et balancelle, assurance-vie et cheminée, Noël en famille et cartes de fidélité. Un paradis infernal.
C’est pourtant ce qu’il avait voulu, ce dont il avait toujours rêvé. Il avait construit, à force de rigueur et d’heures supplémentaires tout ce qu’au fond de lui, il détestait. Etape nécessaire pour pouvoir le fuir ? Peut-être. Se barricader était sans doute pour lui, le seul moyen d’avoir le courage d’emprunter d’autres chemins.
La quarantaine aidant, Thibaud allait vérifier 300 kilomètres plus loin, dans une chambre 2, qu’une vie différente aux émois adolescents existait encore. Mathilde ne serait qu’un moyen.
Chambre 202, vue sur la mer et le port industriel. Deux sans deux. Particule sans particule. Qu’y avait-il à comprendre ?
Lui, si novice pourtant, attendait Mathilde avec l’assurance d’un vieux baroudeur de l’adultère ; comme un poisson dans l’eau, sur ces rives si différentes de ses origines méditerranéennes.

Mathilde d’Orangeville savourait depuis quelques jours les vacances que tout enseignant attend avec impatience après un mois de juin toujours chargé. Plus de copies à corriger. Plus d’examens à surveiller. Cette plage de deux mois s’ouvrait sur le large et la nouveauté.
Divorcée de 35 ou 36 ans - elle ne savait plus, ne comptait plus déjà – la prof compensait largement un physique ordinaire par une démarche juste, franche et pourtant dansante. Elle avait le pas charismatique et la hanche décidée.
Le gamin chez son père, c’est sans appréhension qu’elle filait au rendez-vous. Résignée aux aventures sans lendemain, elles les voulaient néanmoins romantiques et respectueuses, sentimentales et cérébrales. Issue d’un milieu où on ne divorce pas, elle avait, depuis longtemps, fait une croix sur la famille, la religion et le grand amour.

Thibaud et Mathilde étaient à cette heure des adultes affirmés et responsables. Aucune émotion dérangeante ne venait perturber leur maitrise. L’inconnu les rassurait plus qu’il ne les apeurait.
Ces deux-là s’étaient déjà rencontrés, déjà parlé, mais jamais touchés, pas même effleurés. Quelques semaines plus tôt, une bousculade sur un quai de gare leur intima l’ordre d’échanger des numéros de téléphone. Une raison supérieure sans doute.
La plage de Malo-les-Bains servit de page d’écriture, chacun se racontant. Le côte-à-côte évitait les regards intimidants et les voix s’apprivoisaient doucettement. La Belgique en ligne de mire, entre vagues et dunes, les cœurs se confiaient sans retenue, sans pudeur, confiants puis sereins. N’importe quel observateur aurait conclu qu’il était impossible que tant de complicité émotionnelle et intellectuelle finisse dans un lit, au misérable niveau des coucheries infidèles, vulgaires tocades.
Pourtant la chambre 202 était réservée. L’hôtel de la Dune pointait son enseigne au loin. Il ramenait les futurs amants vers lui comme on ramène une barque sur le quai en tirant le cordage.
Le couple suivait un chemin tracé d’avance, un scénario écrit. Pris dans le filet, il ne se débattait pas, ne frétillait pas non plus. Résigné et fataliste, il acceptait son rôle. Cela devait être.

Chambre à particule pour femme à particule. Maintenant Thibaud savait. Le patronyme lâché par Mathilde lui offrit la clé de ses chambres présente et passées. Chambre à particule pour amour à particule, pour vie à particule.
Distinction des mots, raffinement du geste, délicatesse de l’attention, c’était la quête de sa vie. Esthète aux origines prolétaires, il venait d’accepter sa condition.
Alors. Jamais aucune aventure charnelle ne fut plus douce, plus romantique, plus respectueuse. Chacun la vit comme une fin en soi. Ils donnèrent tout ce qu’ils avaient d’affection concentrée, d’énergie disponible et de sincères caresses, loin des performances orgueilleuses et des finalités obligatoires. Humbles et généreux, ils honorèrent la chambre à particule d’ébats vertigineux et célestes en douceur et sans ostentation. Le silence de rigueur enveloppa la danse d’une force supérieure et religieuse.
Seul, comme un point final, un petit « Ah » digne cependant, échappa à l’amant. L’amante s’empressa de l’avaler. On en n’entendit plus parler.

Depuis, la chambre 202, toute imprégnée de nobles sentiments, se plait à envelopper tous ses amants de passage, légitimes ou pas, d’un exquis parfum aux sensuelles vertus.
Depuis, Mathilde d’Orangeville, qui sait retenir les leçons, ne fait plus l’amour que dans des chambres à particule.
Depuis, Thibaud Barella, grâce à une prof à particule, ne sublime plus que les amours conjugales.

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Commentaires
M
C'est peut-être le bon choix, mcb ! ;-)<br /> <br /> (désolée pour toutes mes fautes !!!)
M
bien que je salue l'écriture remarquable de ce texte<br /> et l'amour dans tout ça?<br /> <br /> Je déteste les histoires d'adultère, pardonnez-moi!<br /> <br /> Dès mes 18 ans, je tombais amoureuse toutes les semaines, même quelques semaines, tous les jours!<br /> <br /> Je me suis mariée à 23 ans et depuis je n'ai jamais plus été amoureuse d'un autre...<br /> <br /> Vu mon passé volage et libertin, je me pose parfois cette question :<br /> <br /> Comment ça se fait?
H
:-)<br /> <br /> Oh!Les femmes ne l'ignorent pas non plus!! la congruence (bien placé) est essentielle dans toutes les relations quelles qu'elles soient, non?<br /> <br /> Bien sûr, que le bon choix, on le sent on le sait aprés un certain temps, il n'empêche qu'il n'y en a pas qu'un m'est avis, un autre bon choix est toujours possible! Mais il s'avère que l'important, je crois c'est d'entretenir son choix, de le nourrir et de ne jamais penser que quoique ce soit soit acquis, garder une dynamique...
C
Content que tu aies (je sais écrire aies maintenant) vu le clin d'œil Christian.<br /> <br /> Bien sûr que rien n'est facile Helena. Et tu as raison, il faut commencer par être copain avec soi et seulement là, la communication peut être sereine et authentique. Et en plus, il faut être deux à être en congruence (placé !)(et tous les hommes savent que ce n'est pas facile - c'est bon je plaisante)<br /> Le bon choix ? Un jour on le sait, après un certain temps... ou on se le fait croire ;-)
C
Je n'ai jamais pensé qu'il ne pourrait y avoir qu'un bon choix. Il y a tellement d'autres bons choix.<br /> Alors, quel est mon choix, pour notre futur ?
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