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Maeva
Adolescente, elle avait une passion pour l'astrologie. Incollable sur les ascendants, les décans, les maisons et autres balivernes. Elle n'acceptait le dialogue qu'avec des signes d'eau et de terre, composait les couples et mettait les nouveaux-nés en case, pour la vie.
Maeva épousa le Taureau ascendant Poissons dont elle avait rêvé et fit deux enfants dans l'eau aux ascendants roulette mais aux signes calculés. Tant pis s'il avait fallu déclencher le second.
Puis cela lui passa, un peu.
Elle changea de créneau et de credo, mais resta dans la marge. C'est ça qui la rassurait. Il fallait faire décalé.
Végétarienne d'abord, végétalienne ensuite. Distributrice de granules homéopathiques et annuaire de magasins Bio, elle avait les religions successives et extrémistes. Tout ceux qui s'avisaient à ne pas avoir les pendules à la même heure que la sienne n'étaient que des inconscients qui n'avaient pas encore reçu la lumière divine.
Certains s'en amusaient. Ils observaient la dernière passion de la dame et faisaient des pronostics sur la prochaine.
D'autres s'en inquiétaient. A force de pousser l'orthodoxie à chaque fois plus loin, ils craignaient qu'elle n'y entrainât sa progéniture. Progéniture qu'elle protégeait des mauvaises ondes des voisins, des poux de leurs gamins et de l'impérialisme américain via la télévision et sa publicité.
Des chemins qu'elle voulait de traverse se révèleraient bientôt hasardeux chemins de travers.
Avec l'expérience, Maeva n'achetait plus de produits Bio, elle les cultivait. Car la parano grandit avec l'information. Les labos, c'était sûr, avaient sans doute tout acheté, même les contrôleurs et les normes internationales.
C'est donc à côté du cannabis, produit naturel, qu'on fit pousser petites graines et grandes satisfactions.
L'autarcie était presque parfaite, comme la consanguinité. Entre illuminés, on s'illumine. Entre éclairés, on s'éclaire.
Mais Maeva n'acceptait pas l'étiquette de sectaire et son discours était bien huilé comme celui de tous les sectaires.
Après toutes les formes de yoga enseignées d'est en ouest, à l'endroit et à l'envers et les variétés de massages pratiqués du nord au sud, par devant et par derrière, elle goûta à la méditation au chocolat pour ne pas mourir idiote.
Un jour, elle décréta que son docile Taureau ascendant Poissons et elle, ne dormiraient plus que sur une planche de bois. Un retour à la nature qui avait l'avantage de ne pas engraisser Monsieur Treca.
Aux détours de la cinquantaine Maeva fit le point. Que n'avait-elle pas expérimenté ? Quelle bizarrerie manquait à son CV ? .
Herboriste et tireuse de tarots, chiromancienne et pondeuse de tarés, druide celte et taïchieuse basque, formatrice en voyage sidéral et casse-noisettes conjugale. Tout cela c'était fait.
Elle allait s'ennuyer.
Quand arriva Dieu-Internet.
L'entorse aux règles gravées au silex sur la porte de la maison lui ferait plus de bien que de mal. Car Dieu-Internet en ouvrant sur le monde fournissait aussi, en quelques clics, des Pages jaunes infinies de nouvelles voies, chapelet de pierres philosophales.
La sur-diplômée de l'alternatif domestiqua si bien l'outil, qu'elle y rencontra un gourou.com, Poissons ascendant Taureau qui lui mit la tête à l'envers. Après trente de mariage, elle fila vérifier sur son Epeda ses promesses de lui faire retrouver sa peau d'animal et ses sensations embryonnaires.
Les choix de Maeva ne la préservaient donc pas d'être une salope ordinaire. Trente ans de recherche pour un truc qui se fait derrière un buisson en cinq minutes. Quel gâchis !
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